« Voici que le semeur est sorti pour semer », dit Jésus (Mc 4, 24), et c’est sans doute ce que fait chacun de nous, maintenant que le printemps approche. Pour que les hommes reçoivent la nourriture du corps, il faut semer. Mais la manière même dont l’Évangile en parle montre qu’il nous faut passer à un autre plan, celui de la nourriture de l’âme : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu », avait répliqué Jésus au diable qui, au désert, le poussait à faire un miracle inutile (Mt 4, 4). Cette nourriture de l’âme est donnée par Dieu avec abondance, mais elle est reçue selon les dispositions de chaque âme, comme les graines par les différents types de terrains. Jésus lui-même détaille les obstacles à la Parole : le diable, qui s’agite en tous sens aujourd’hui, jusque dans certaines instances de l’Église visible ; l’individualisme : on ne reçoit que pour soi, le jour où cela n’arrange plus, on laisse tomber ; la séduction des richesses et du plaisir, augmentée de nos jours par les moyens numériques. Mais il y a aussi heureusement, et Jésus termine par là, ceux qui sont fidèles et qui portent les fruits heureux de la vie chrétienne (Mc 4, 20).
Nous sommes en contact avec la terre, que Dieu a créée pour porter du fruit justement, et nous en faire porter à nous-mêmes. Nous en recueillerons la leçon, leçon de patience et de persévérance, en nous rappelant les promesses de Jésus : « celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé » (Mt 10, 22). Nous le ferons en accueillant les épreuves avec constance, en nous appuyant sur l’exemple des saints, ils sont devenus si nombreux au bout de deux mille ans de christianisme, et surtout sur l’exemple de Jésus lui-même qui disait : « Si le grain ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Et enfin les agriculteurs qui nous ont précédés et que l’apôtre saint Jacques n’hésite pas à donner comme modèles : « Voyez le laboureur, écrit-il, il attend patiemment le précieux fruit de la terre jusqu’aux pluies de la première et de l’arrière-saison ; soyez patients, vous aussi, et affermissez vos cœurs, car la venue du Seigneur est proche » (Jc 5, 7).
Cette attente n’est pas passive, c’est celle de la prière et du travail, celle de la confiance en Dieu dans la soumission aimante à sa volonté, et dans l’espérance surtout, cette vertu théologale qui, comme dit Péguy, « fait de si bonnes nuits » (Le Porche de la deuxième vertu).