Billet spirituel - Novembre 2020

Lundi 21 décembre 2020

La pâte attend le levain

Le constat de la crise est une évidence pour tous : crise sanitaire, politique, économique, sociale, culturelle, anthropologique, civilisationnelle et, bien sûr, religieuse et spirituelle. Tout y passe, nous rappelant par-là, comme ne cesse de le dire le Pape François, que « tout est lié ». Deux regards sont dès lors possibles sur ce monde. Celui de la fatalité crépusculaire où il n’y a rien à faire qu’à subir et … mourir. Celui de l’espérance matutinale qui sait déjà discerner les premières lueurs du jour nouveau, annonciatrices de la vie qui point.

Le chrétien, habité par cette espérance, est lucide. Il sait voir les paradoxes de ce monde où se mélangent bien souvent les réalités les plus extrêmes : de l’innovation technologique la plus pointue qui donne l’impression du progrès à la détresse humaine la plus silencieuse qui manifeste le vide intérieur, la pauvreté relationnelle et la perte du sens de la vie. Outre la lucidité sur le présent, le chrétien voit son espérance éclairer l’avenir lorsque, conscient que « tout est lié », il comprend qu’il ne faut pas grand-chose pour transformer ce monde, qui est comme une pâte qui attend son levain. Son espérance devient alors « vie », lorsqu’il comprend qu’il est lui-même, comme chrétien, comme « autre Christ », le levain dont la pâte de ce monde a besoin. Certes il voit ce monde comme immensément grand et, tel David devant Goliath, il ne peut que se sentir démuni. Il se sent dépassé et mesure son néant. Mais il y a un mystère du levain. Ce mystère c’est qu’alors qu’il n’est presque rien, qu’un mélange de farine et d’eau qui, en l’absence d’oxygène, fermente, ce levain se transforme en « matière vivante », capable de faire lever la pâte. Le chrétien est ce levain, cette « matière vivante ». L’auteur de la Lettre à Diognète, rédigée au IIe siècle après Jésus-Christ, rappelle que « ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde ». Ainsi, la mission du chrétien est d’être l’âme de ce monde. Cette mission ne peut être remplie que si l’âme du chrétien est vraiment vivante, sinon il est lui-même de ce monde et contribue à sa fatalité crépusculaire.

Si nous voulons être le levain de la pâte de ce monde, si nous voulons lui apporter l’espérance qui lui fait tant défaut, si nous voulons combler le vide abyssal qui le perd, retrouvons notre âme, vivons à partir du plus profond d’elle, ouvrons-la par la prière à la présence de Dieu, gardons-la dans le silence de son amour, nourrissons-la de la Parole de Dieu et du Corps et du Sang du Christ, baignons-la dans la grâce de l’Esprit Saint, renouvelons-la dans la miséricorde du Seigneur, configurons-la au Cœur aimant du Christ. Si notre âme est ainsi, pleinement vivante, alors elle devient capable, par la puissance de Dieu, de faire lever ce monde, de le transfigurer en commençant par les plus pauvres et les plus blessés, ceux qui, à cause de leur pauvreté et de leurs blessures, ont l’âme grande ouverte, en attente de ce levain de vie nouvelle.

La pâte attend le levain. Soyons ce levain !

Don Pascal-André Dumont

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