Il y a quelques années, j’eus la chance de voir le plus ancien arbre de Noël conservé au monde, à l’instar du tableau du maître-autel de l’église de l’Enfant-Jésus près de Steyr. L’histoire de l’arbre remonte à l’an 1694. À cette époque, Steyr avait un nouveau carillonneur et maître de chapelle qui souffrait d’épilepsie, cette « maladie honteuse », comme l’exprime fidèlement la chronique. À Melk, d’où il était originaire, il avait appris à vénérer l’Enfant Jésus. Il plaça donc dans la cavité d’un sapin de taille moyenne une image de la Sainte Famille devant laquelle il faisait oraison, et d’où il ressortait affermi et consolé. C’est alors qu’il entendit parler d’une représentation de l’Enfant Jésus qui avait donné la guérison à une religieuse paralysée. Il en obtint une copie fidèle : un Enfant Jésus en cire tenant la croix dans une main et la couronne d’épines dans l’autre. Il l’apporta alors devant l’arbre, y fit oraison et sentit une force de guérison en émaner.
Peu à peu, cela se sut, et les gens commencèrent à venir en pèlerinage auprès de l’Enfant Jésus. Face à l’hésitation des autorités ecclésiales (…), ils obtinrent de construire une chapelle autour de l’arbre. C’est ainsi qu’en 1708 fut posée la première pierre de l’église de l’Enfant-Jésus, érigée sur le modèle de Santa Maria Rotonda de Rome par les architectes autrichiens les plus célèbres de l’époque. Elle est devenue un écrin précieux pour l’arbre, dans lequel furent sculptés l’autel et le tabernacle. L’arbre porte toujours le petit Enfant Jésus de cire qui, entouré de la couronne et de ses rayons, est promesse et espérance pour les hommes.
L’arbre de vie retrouvé
Pour moi, cette rencontre est non seulement devenue l’interprétation de l’une de nos plus belles coutumes de Noël mais elle nous fait accéder au centre même du mystère de Noël. Cet arbre se dresse tel l’arbre de vie du Paradis retrouvé — « Le chérubin ne monte plus la garde ». Cet arbre est Marie avec le fruit béni de son sein : Jésus. Mais Jésus est comme un enfant sans défense, qui invite, « Emmanuel », un Dieu qu’on peut toucher, familier. Il nous invite à venir à Lui, nous qui, pourtant, souffrons tous profondément de la « maladie qui nous fait chuter ». Nous restons incapables de marcher et de nous tenir droits intérieurement. Nous ne cessons de tomber, ne sommes pas maîtres de nous-mêmes, étrangers à nous-mêmes et prisonniers. La rotonde de l’édifice souligne encore cette assertion. L’octogone est la forme classique de l’église baptismale, rattachée à de très anciennes traditions de l’histoire des religions : la cavité et la construction en rotonde rappellent l’utérus et le mystère de la naissance.
Ainsi l’édifice renvoie de nouveau à Marie, à l’Église, à notre baptême et notre nouvelle naissance. Il nous explique ce que signifie « Dieu s’est fait petit enfant ».
Parole reprise par Jésus s’adressant à Nicodème. « Si tu ne renais de l’eau et de l’Esprit, tu ne peux entrer au Royaume des Cieux. » L’autre parole de Jésus s’y rattache : « Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas au Royaume des cieux. » (…)
Le Fruit de l’Arbre de Vie
L’Enfant Jésus nous renvoie à cette vérité première de l’homme : nous devons naître de nouveau ; être aimés et nous laisser aimer ; laisser transformer notre dépendance en amour pour devenir libres. Nous devons naître de nouveau, nous défaire de notre orgueil, redevenir des petits enfants. Reconnaître et recevoir en l’Enfant Jésus le fruit de la Vie. C’est à cela que Noël veut nous conduire : c’est la vérité de l’Enfant, le fruit de l’Arbre de Vie.