Méditation du mois de février 2013

par le Père Éric, fj, Pellevoisin (36)
Mardi 29 janvier 2013

Le travail de la terre : appel au don de la foi

Dieu donne à l’homme la terre qui devient sa terre

« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre » (Gn1,1), c’est le premier verset de la Bible, la première chose qui est dite sur Dieu et surtout la toute première vérité que Dieu a voulu transmettre sur Lui-même.
« Dieu créa le ciel et la terre », c’est à comprendre certes de la création de notre univers tout entier mais aussi de ce bout de terre, ce jardin sur lequel il a voulu tel homme. Adam est placé, nous dit l’Écriture, non pas dans l’univers, mais dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder.
Au paysan est donné, non pas l’univers, mais un jardin - c’est-à-dire une terre à sa mesure - pour qu’il puisse le cultiver et que par là il devienne à l’image et à la ressemblance de Dieu.
En 1969 Marthe Robin disait à Jean Louis Laureau que la France avait la vocation d’être un jardin donc une multitude de jardins différents, différence venant de la particularité de chaque terre et de celui qui la cultive.
Le jardin nous fait mieux comprendre ce qu’est la mesure car le développement à outrance de la technique peut donner une démesure quantitative qui n’est plus humaine. Le jardin n’est pas d’abord du côté quantitatif (nombre d’hectares, rendement…) mais du côté qualitatif : il est fait pour le bien de celui qui le cultive.

Une terre appelée à porter du fruit et à dévoiler son Auteur

Dans ce jardin l’homme doit « soumettre la terre » (Gn1,27) et lui faire porter son fruit en la travaillant comme Dieu le dit lui-même. C’est en le travaillant qu’il découvre progressivement les lois de la nature qui y sont inscrites par son Créateur.
La terre a un ordre (une sagesse) et une perfection qui y sont cachés et que le paysan doit découvrir et respecter.
Le Créateur fait don à l’homme paysan de telle terre particulière que ce dernier apprend à recevoir dans la confiance et la gratitude. Il peut compter sur la bonté de la terre et de la nature, il n’y a pas de terre maudite, même si parfois la nature peut être capricieuse.

Cet ordre et cette perfection cachés dans la terre et la nature sont un appel à désirer les comprendre. C’est pour cela que le paysan est l’homme de l’observation et plus il observe et plus il devient persévérant dans son travail. Le paysan a toujours espoir qu’une terre, même ingrate, donnera son fruit parce qu’il va progressivement la comprendre et l’apprivoiser. Son travail devient alors une prière car « il rentre en communion profonde avec la nature, il y voit l’invisible. C’est là précisément que le surnaturel devient naturel » (Mgr Centène). Le psaume 8 nous dit que « la vérité germera de la terre », en l’aimant et en la contemplant, l’Invisible se fait voir.

Jean Louis nous rappelait que chaque paysan a à découvrir la terre qui lui est confiée et sous cet aspect il est seul devant sa terre et donc seul devant son Créateur : l’adoration c’est ce lien intimement personnel avec notre Créateur et Père.

La foi comme don de Dieu à faire fructifier

Cette année notre Saint Père Benoît XVI nous invite à redécouvrir et approfondir notre foi. Et il y a de nombreux points communs entre la terre et la foi que nous pouvons relever. Le plus fondamental est que tous les deux sont un don de Dieu, dons gratuits, c’est-à-dire donnés sans mérite de notre part mais par pur amour pour nous.

Nous voyons dans l’Évangile, les apôtres qui, affolés par leur incrédulité, disent à Jésus « augmente en nous la foi ! ». Oui la foi est d’abord un don de Jésus avant d’être « ma » foi. 

La terre donnée par Dieu se cultive dans le labeur et elle exige du paysan la patience pour attendre d’en récolter son fruit. Il y a quelque chose de semblable avec le don de la foi (qui au point de départ est comme une terre vierge), il faut la cultiver pour en attendre son fruit.
Nous savons bien qu’il faut faire fructifier ce don de la foi, c’est ce que dit Jésus quand il nous parle de la vigne véritable : « la gloire de mon Père c’est que vous donniez beaucoup de fruits » Jn15,8.
- La foi vient en particulier de l’écoute de l’Écriture Sainte et c’est un véritable labeur de la lire et de découvrir ses secrets, son ordre.
- La foi se nourrit aussi des sacrements, là aussi c’est un véritable labeur : il faut se battre souvent contre soi même, parfois contre les autres, pour être fidèle à la messe dominicale (surtout en période des moissons !), à la confession fréquente.
Les échecs, les déceptions, les souffrances sont aussi une voie royale, un vrai labeur, pour faire fructifier notre foi parce qu’ils me poussent à faire confiance à un plus grand que moi.
C’est pour cela que Jésus parle de l’homme qui a reçu la foi comme les sarments de la vigne véritable. Ces sarments, s’ils ne portent pas de fruits, ils sont coupés ; s’ils en portent, ils sont émondés (et donc coupés aussi !) pour qu’ils en portent encore plus. Cette coupe se fait par ces différents labeurs.

Le paysan a ce privilège extraordinaire de ne pas reculer devant le labeur que réclame sa terre parce qu’il veut en connaître les secrets afin de lui faire porter tout son fruit. Cela le conduit à faire grandir sa dépendance et sa confiance à l’égard de Dieu dans l’adoration, source de sa liberté et de son espérance.
Il voit ce que les autres ne voient pas, ce qui fait aussi de lui un homme de désir.

Pourquoi parle-t-on du bon sens paysan ?
Ce n’est pas d’abord parce qu’il est intelligent pour cultiver sa terre mais parce qu’en la travaillant il devient de plus en plus relié à sa source qui est Dieu et par là rentre progressivement dans un regard contemplatif sur toutes choses.
La crise de vérité que nous vivons actuellement en France sur le fondement et l’objectivité du mariage entre un homme et une femme vient bien du fait que l’homme s’est coupé progressivement de sa relation avec Dieu et donc il ne peut plus voir les choses qui à nous paraissent évidentes.

Que les paysans de France puissent toujours entendre la voix du Christ qui dit « Que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie gratuitement » (Ap22,17).

Que par l’intercession de la Vierge Marie, la bienheureuse qui a cru, Jésus augmente en nous la foi et qu’Il maintienne en nous ce désir ardent de la faire fructifier par notre labeur renouvelé jour après jour.

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