Billet spirituel - Décembre 2018

Mardi 8 janvier 2019

Dieu ou l’argent

En s’appuyant sur la vie d’une vieille paysanne, dont il vient de célébrer les funérailles, le père Emmanuel, maintenant curé de Pierre de Bresse dans la diocèse d’Autun, nous montre comment la famille paysanne chrétienne est au cœur d’une reconstruction face au mouvement désespéré des gilets jaunes. « Il s’agit, nous dit-il, de remettre l’homme dans sa dimension spirituelle au centre de la société pour le guérir de cette envie qui détruit aussi bien les petits que les grands et qui met le monde en guerre contre tout le monde. »

« Je célébrais cet après-midi les funérailles d’une vieille paysanne bressane : mariée à 21 ans, une vie économiquement difficile, beaucoup de travail, peu d’argent, elle n’a pas pu aller jusqu’au certificat d’études, et pourtant, elle a su, avec son mari, former un foyer uni qui a connu une vie joyeuse et heureuse, bien éduquer ses enfants, avec un sens de l’hospitalité magnifié par ses talents de cuisinière. Dans le contexte du pays, cette femme m’est apparue comme une sorte de parabole prophétique de ce qu’il est possible d’édifier dans une vie sobre et pauvre. Cette famille, dans sa très grande modestie de moyens, a su développer précisément ce qui manque à notre société : l’unité, le sens de l’effort et de l’abnégation, l’aptitude à se contenter – dans le sens le plus fort – de ce que l’on a, la dignité. Avec ces qualités profondes, ces personnes étaient capables de vivre heureuses avec une sagesse qu’il est difficile d’appréhender selon les critères de la société libérale-libertaire.

Le dilemme de l’évangile se présente ici comme une croisée des chemins : Dieu ou l’argent. Autrement dit, nous devons reconnaître que nous avons apostasié et que les fruits amers que nous goûtons sont le fruit de cette apostasie et que nous ne pourrons sortir de ce mirage de bonheur qui vire à l’enfer que par un retour à Celui que nous avons abandonné. Un système politique qui met à la racine de son dynamisme et de sa structure le péché capital par excellence ne peut avoir aucune compatibilité avec le dessein divin et donc avec le bonheur de l’homme et des pays. Pour le dire plus explicitement encore, ce système est idolâtrique et finalement, il est démoniaque.

Il faut donc tout reconstruire : et comme dans toute construction, il faut partir des fondations. De même que l’homme a trois composantes fondamentales, de même il y a trois fondements, ce sont les trois alliances. Dieu, la famille, la terre. En ce sens, la famille paysanne chrétienne est comme une matrice, une cellule élémentaire à partir de laquelle tout peut être reconstruit et sans laquelle aucune renaissance ne sera durable.

Pendant cet Avent liturgique, nous pouvons demander que l’Église et les clercs annoncent avec zèle et sans compromission la vocation surnaturelle par le salut offert en Jésus, Fils de Dieu et fils de Marie, que les familles retrouvent dans la lumière de leur foi l’unité et l’amour qui font d’elles un signe et une source irremplaçables de la vie spirituelle de l’homme, que les familles paysannes développent avec intelligence une forme d’agriculture familiale pour elles d’abord et pour les marchés locaux. Prions pour que la colère qui gronde ne soit pas récupérée par des puissances encore pires et ne nous fassent tomber de Charybde en Scylla et que les fracas du monde ne nous empêchent pas de contempler paisiblement, avec sa très Sainte Mère, la Vierge Marie, le mystère du Dieu fait chair né dans la crèche de Bethléem pour nous apporter le salut et la guérison. »

Père Emmanuel

Nativity Scene by Andrew Doane from the Noun Project

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