Quelques notions de base : De la roche mère au champ cultivé

par François de la Monneraye
Samedi 1er septembre 2012

Cet article traite des sols se faisant sur place - la majorité des sols - mais il y a aussi le cas différent des sols d’alluvions « rapportés » par l’eau et l’air, qui peuvent être très fertiles naturellement, comme les grandes plaines alluviales (vallée du Nil, Limagne et Grésiveaudan en France, etc.) sans compter le cas du mélange de ces deux tpes de sol, qui est encore différent. Le cas des sols sous les climats équatoriaux humides est encore complètement autre.

Qu’est-ce qu’un sol ? C’est une question à laquelle bien répondre suppose une certaine étude de celui-ci.

Tout d’abord, distinguons trois types de sol, ou plutôt trois phases dans la vie d’un sol.

La première phase est une phase de construction.

Celle-ci correspond à la dégradation et à l’altération progressive de la roche mère, grâce au climat et à l’activité microbienne. Il est bien évident que la température, l’hygrométrie ainsi que les aliments digestes sont des facteurs qui ont une importance primordiale sur la vitesse de construction d’un sol. Les éléments minéraux sont mobilisés et peu à peu une structure granuleuse issue de l’activité microbienne se met en place. Cette structure granuleuse est formée par le mucus microbien qui n’est autre que des polysaccharides composés de sucres et d’azote organique. La géologie fournit tout, sauf l’azote (matière organique) et l’énergie (microbes).

Dans le même temps, des mousses, des lichens puis des plantes colonisent le milieu. Ainsi, les exudats racinaires acides, au contact du fer (élément présent dans presque tous les sols), forment de l’argile. La plante devient donc elle-même garante de sa propre survie. Car en dissolvant la roche mère par ses exudats racinaires, elle prélève les éléments minéraux indispensables à sa survie et forme en même temps son propre garde-manger (les argiles).

La deuxième phase est celle des sols dits « brunifiés ».

Cette phase correspond au développement des liaisons organo-minérales. Ici, une multitude d’organismes, microscopiques ou pas, jouent un rôle très important en décomposant la matière organique : bactéries, vers de terre, etc.

Enfin, la troisième phase est la phase de déconstruction.

Celle-ci est caractérisée notamment par des problèmes de lessivage qui entraînent inévitablement une acidification et des phénomènes d’anaérobie (réduction). En profondeur, ce type de sol a des horizons marbrés : rouge, orange, blanc, bleutés ou pas…

Nous, paysans qui cultivons les sols, nous devons donc en premier lieu savoir dans quelle phase nos sols se trouvent, et en fonction de cela agir au mieux. Un sol dans sa première phase devra être amendé régulièrement avec des fumiers mûrs (nous verrons plus loin la définition d’un bon fumier mûr) et couvert autant que possible par des cultures et des engrais verts. Un sol brunifié, et donc dans la deuxième phase, doit être entretenu et fertilisé par des engrais verts.

Enfin un sol entrant dans la troisième phase doit être soumis à des chaulages de produits crus, c’est à dire ayant une action lente dans le temps et surtout n’ayant aucune toxicité pour les plantes et microorganismes, les produits cuits étant indigestes et toxiques pour les organismes vivants. Ces chaulages doivent être réalisés de mars à octobre.

Afin d’obtenir une meilleure activité microbienne, gage de fertilité, il est intéressant de procéder à un travail du sol superficiel assez rapidement en sortie d’hiver sur sol ressuyé. En effet, le sol se réchauffera mieux ainsi et permettra un démarrage végétatif plus précoce. De ce fait, il faut noter ici que plus le cycle végétatif est long, plus les fruits seront rendus complexes et enrichis en arômes et saveurs, ainsi qu’en toutes sortes de composés qui les forment.

La qualité des productions n’étant pas suffisante à elle seule, il convient de prendre soin de la régularité de celles-ci, afin d’obtenir des rendements économiquement supportables. Soigner les apports organiques est donc la clef d’un succès gratifiant.

Tout d’abord sachons que pour les microorganismes, une meilleure digestibilité des matières organiques dépend avant tout du degré de stabilité de celles-ci. Plus la matière organique est stable, et moins elle est digeste pour les microbes.

  • La matière organique la plus stable est le bois très riche en polyphénols et en lignine, les vieux composts, les feuilles mortes, etc.
  • Ensuite vient la matière organique lente à décomposer tels les vieux enherbements, les pailles…
  • Enfin viennent les matières organiques rapidement assimilables et digérées par les microorganismes comme les engrais verts, les plumes, le sang, et tous les éléments contenant du sucre, notamment sous forme de glycogène.

En conséquence les amendements doivent être apportés raisonnablement.

  • Pour les fumiers, les pertes dues aux mauvais stockages doivent être connues et évitées. En effet, un tas de fumier laissé non protégé aux intempéries aura des pertes très importantes de matière fertilisante (fumier qui s’écoule) et d’efficacité. Le bâchage peut être une solution si le fumier n’est pas trop humide, si non il conviendra de mettre des bâches microporeuses afin d’éviter les écoulements dus aux percolations.
  • Un compost jaune est un fumier qui entre dans sa phase de minéralisation : les microbes libèrent de la chaleur en cassant les chaînes de carbone. Alors que la température augmente, les pathogènes sont détruits, les graines adventices également, ainsi que les amines (responsables des mauvaises odeurs).
  • Un compost mûr est un compost entrant dans sa phase de réorganisation ; c’est le cas environ trois semaines ou un mois après la mise en tas du fumier, en fonction de l’hygrométrie et d’un éventuel brassage. Cette réorganisation se caractérise par une stabilisation du carbone. Au fur et à mesure que cette phase de stabilisation progresse, le compost devient vieux, des champignons font leur apparition, consommant du même coup l’azote encore présent dans le compost. Enfin les vers de terre colonisent le milieu indiquant une matière organique stable.

Le point de maturité optimal qui intéresse les agriculteurs correspond à la fin de la phase de minéralisation et au tout début de la phase de stabilisation (c’est à dire environ au bout d’un mois). La période d’épandage la meilleure pour le sol et la vie microbienne se situerait entre le 15 février et le 15 mars.

Périodiquement il est bon de semer des engrais verts, sachant que ce processus de fertilisation favorisera plutôt la vigueur végétative de la culture suivante.

Pour une bonne implantation, notons que l’épaisseur du lit de semence doit être grosso modo proportionnelle à la taille des graines. Si l’on veut vraiment profiter des bienfaits de ce type de fertilisation, il faut broyer ces engrais verts juste avant la floraison et procéder aussitôt à une incorporation superficielle au sol. La décomposition de ces végétaux prenant environ trois à quatre semaines, il est bon d’en tenir compte afin de correspondre au mieux aux besoins de la culture souhaitée.

Les graminées ou céréales sont gage d’une bonne structure du sol, les crucifères stimulent l’activité microbienne du sol grâce à leurs acides aminés soufrés, les légumineuses apportent bien évidemment de l’azote, et certaines plantes, comme le sorgho, le sarrasin ou le seigle, permettent de « nettoyer » le terrain en luttant contre les adventices.

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