Méditation du mois de mai 2011

conférence sur l’Eucharistie du Père Curbelié
Samedi 30 avril 2011

Pourquoi et en vue de quoi allons-nous à la messe ?

Nous avons peut-être perdu de vue les principales raisons qui nous poussent à participer à la célébration de l’eucharistie et, par le fait même, nous risquons de méconnaître les fruits que nous en retirons…

L’eucharistie.

On peut essayer d’entrer dans ce qui demeure toujours un mystère par différentes voies. L’une des voies les plus communément empruntées consiste à essayer de répondre aux urgences de notre temps : raréfaction des prêtres, restructuration des paroisses,… Sur un registre plus positif, on peut ajouter : meilleure connaissance de la Parole de Dieu, participation active des fidèles, etc. Ces questions ont leur raison d’être et elles méritent que l’on prenne du temps pour y réfléchir. Les instances de réflexion ne manquent d’ailleurs pas (paroisses, doyennés, diocèses, pastorale liturgique et sacramentelle,…). Toutefois, si l’on n’y prend pas garde, elles risquent d’occulter d’autres questions qui ne sont pas moins importantes. Or, « l’Eucharistie est un don trop grand pour pouvoir supporter des ambiguïtés et des réductions » (Ecclesia de eucharistia 10).

C’est l’une de ces questions que je souhaite aborder avec vous aujourd’hui : au fond, pourquoi et en vue de quoi allons-nous à la messe ? Pour que personne ne se sente exclu de cette discussion, je choisis à dessein une formulation toute simple, « aller à la messe », pour évoquer un thème qui l’est beaucoup moins. En effet, nous avons peut-être perdu de vue les principales raisons qui nous poussent à participer à la célébration de l’eucharistie et, par le fait même, nous risquons de méconnaître les fruits que nous en retirons.

Commençons par énoncer une évidence : pour entrer dans ce sacrement de l’eucharistie, deux conditions semblent requises : il faut le vivre et tenter d’en pénétrer le mystère. En d’autres termes, il faut en faire l’expérience et essayer de comprendre ce qui se passe.
Ce soir, nous n’allons pas célébrer l’eucharistie, nous n’allons pas en faire l’expérience ; en revanche, nous allons essayer de réfléchir ensemble pour mieux connaître ce sacrement, en particulier à l’école des saints et des grands spirituels, comme nous y invite le Pape dans sa dernière encyclique :
« Chers frères et sœurs, mettons-nous à l’école des saints, grands interprètes de la piété eucharistique authentique. En eux, la théologie de l’Eucharistie acquiert toute la splendeur du vécu, elle nous “imprègne” et pour ainsi dire nous “réchauffe”. Mettons-nous surtout à l’écoute de la très sainte Vierge Marie en qui, plus qu’en quiconque, le Mystère de l’Eucharistie resplendit comme mystère lumineux. En nous tournant vers elle, nous connaissons la force transformante de l’Eucharistie. En elle, nous voyons le monde renouvelé dans l’amour » (Ecclesia de Eucharistia 62).

Oui, la Vierge Marie est notre modèle et notre soutien car « il existe donc une analogie profonde entre le fiat par lequel Marie répond aux paroles de l’Ange et l’amen que chaque fidèle prononce quand il reçoit le corps du Seigneur. À Marie, il fut demandé de croire que celui qu’elle concevait “par l’action de l’Esprit Saint” était le “Fils de Dieu” (cf. Lc 1, 30-35).
Dans la continuité avec la foi de la Vierge, il nous est demandé de croire que, dans le Mystère eucharistique, ce même Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie, se rend présent dans la totalité de son être humain et divin, sous les espèces du pain et du vin » (Ecclesia de Eucharistia 55).
Et le Pape insiste encore : « Les exemples des saints sont devant nos yeux. Dans l’Eucharistie, ils ont trouvé la nourriture pour leur chemin de perfection » (Mane nobiscum Domine 31).
L’un de ces saints, Augustin, put écrire : « Donnez-moi quelqu’un qui aime et il comprendra ce que je dis » (Tr. in Io. Ev. XXVI, 4). A sa suite, nous pouvons affirmer que l’eucharistie est fondamentalement de l’ordre de l’amour.

L’amour se nourrit de l’expérience et de la connaissance. Parler d’amour sans en faire l’expérience est impossible ; les prophètes, les saints, les poètes, tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont un jour magnifié l’amour, sont d’abord des personnes qui l’ont vécu. Mais l’expérience ne suffit pas ; parfois, elle peut même se révéler blessante. La connaissance est, elle aussi, requise. Connaître ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, connaître celui que l’on aime et être connu de celui qui nous aime. C’est ce à quoi nous allons réfléchir ensemble, ce soir.

Dans une de ses plus belles homélies sur le prophète Ezéchiel, le pape saint Grégoire le Grand (+ 604) s’interroge sur le rôle du prédicateur. Et il affirme publiquement : « Je parlerai afin que le glaive de la parole de Dieu, en passant par moi, parvienne à transpercer le cœur du prochain. Je parlerai afin que la parole de Dieu résonne aussi contre moi à travers moi » (Hom. in Ez. I, 11, 5).
Le prédicateur doit d’abord s’appliquer à lui-même ce qu’il a reçu pour mission d’enseigner aux autres. C’est en gardant cette exigence bien présente à mon esprit de prêtre que je crois pouvoir vous dire, sans juger qui que ce soit, que si nos messes souffrent d’une certaine désaffection, si les jeunes les délaissent, si des pratiquants parfois se lassent, si certains prêtres eux-mêmes semblent de temps à autre s’essouffler, si la messe dominicale n’est plus le rendez-vous essentiel qui inaugure nos semaines, c’est tout simplement parce que nous n’aimons pas assez.
L’eucharistie est le grand mystère de l’amour. Au nom de l’amour, des amoureux sont capables de parcourir des distances impressionnantes et de franchir des obstacles jugés infranchissables pour se retrouver, ne serait-ce qu’un court instant ; et nous, pourquoi maugréons-nous dès lors que nous sont imposés quelques kilomètres supplémentaires pour aller à la messe ?

L’eucharistie est mystère d’amour.

  • Mystère de l’amour divin, infiniment miséricordieux, qui nous est manifesté dans le sacrifice du Christ.
    « Ce sacrifice est tellement décisif pour le salut du genre humain que Jésus Christ ne l’a accompli et n’est retourné vers le Père qu’après nous avoir laissé le moyen d’y participer comme si nous y avions été présents. Tout fidèle peut ainsi y prendre part et en goûter les fruits d’une manière inépuisable » (Ecclesia de eucharistia 11).
  • Elle est aussi mystère de l’amour des hommes qui acceptent, ou non, de répondre à l’invitation amoureuse qui leur est adressée.

Pour que notre amour de l’eucharistie, c’est-à-dire notre amour de Dieu – et des hommes en Lui – soit ravivé en cette année de l’eucharistie, je voudrais essayer de répondre en deux temps à la double question que je vous avais soumise.
Au fond, pourquoi allons-nous à la messe ? Parce que Dieu nous y donne son salut. Le salut : voilà bien un terme oublié, et une réalité qui ne l’est pas moins.

Avons-nous besoin d’être sauvés ?
De quoi avons-nous besoin d’être sauvés ?
Par qui avons-nous besoin d’être sauvés ?
Oui, nous avons besoin d’être sauvés par le Christ parce que le péché, commis et subis, et la mort, terme inévitable de notre vie terrestre, sont autant d’obstacles qui nous séparent de la vie éternelle en Dieu.
Quel est ce salut ?
C’est la vie éternelle, déjà commencée sur cette terre, qui ne trouvera son plein achèvement qu’après notre mort. C’est notre vie en Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, qui seul est éternel. C’est Dieu lui-même qui se donne à nous.

Au début d’un magnifique ouvrage sur l’amour de Dieu, saint Bernard interroge son lecteur : « Vous voulez donc apprendre de moi pourquoi et dans quelle mesure il faut aimer Dieu ». Et il s’empresse de répondre : « la cause de notre amour de Dieu, c’est Dieu même ; la mesure, c’est de l’aimer sans mesure » (S. BERNARD, De dil. Deo I, 1).

La 2e partie de la conférence alimentera notre méditation pour le mois de juin 2011.

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