Fraternité, développement économique et société civile

Mardi 1er décembre 2009

Extraits du Chapitre III de l’encyclique « Caritas in Veritate » de Benoît XVI

N° 34

L’amour dans la vérité place l’homme devant l’étonnante expérience du don. La gratuité est présente dans sa vie sous de multiples formes qui souvent ne sont pas reconnues en raison d’une vision de l’existence purement productiviste et utilitariste.

L’être humain est fait pour le don ; c’est le don qui exprime et réalise sa dimension de transcendance. L’homme moderne est parfois convaincu, à tort, d’être le seul auteur de lui-même, de sa vie et de la société. C’est là une présomption, qui dérive de la fermeture égoïste sur lui-même, qui provient – pour parler en termes de foi – du péché des origines.

La sagesse de l’Église a toujours proposé de tenir compte du péché originel même dans l’interprétation des faits sociaux et dans la construction de la société : « Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale et des mœurs » [85].

À la liste des domaines où se manifestent les effets pernicieux du péché, s’est ajouté depuis longtemps déjà celui de l’économie. Nous en avons une nouvelle preuve, évidente, en ces temps-ci. La conviction d’être autosuffisant et d’être capable d’éliminer le mal présent dans l’histoire uniquement par sa seule action a poussé l’homme à faire coïncider le bonheur et le salut avec des formes immanentes de bien-être matériel et d’action sociale.

De plus, la conviction de l’exigence d’autonomie de l’économie, qui ne doit pas tolérer « d’influences » de caractère moral, a conduit l’homme à abuser de l’instrument économique y compris de façon destructrice. À la longue, ces convictions ont conduit à des systèmes économiques, sociaux et politiques qui ont foulé aux pieds la liberté de la personne et des corps sociaux et qui, précisément pour cette raison, n’ont pas été en mesure d’assurer la justice qu’ils promettaient.

Comme je l’ai affirmé dans mon encyclique Spe salvi, de cette manière on retranche de l’histoire l’espérance chrétienne [86], qui est au contraire une puissante ressource sociale au service du développement humain intégral, recherché dans la liberté et dans la justice. L’espérance encourage la raison et lui donne la force d’orienter la volonté [87].

Elle est déjà présente dans la foi qui la suscite. La charité dans la vérité s’en nourrit et, en même temps, la manifeste. Étant un don de Dieu absolument gratuit, elle fait irruption dans notre vie comme quelque chose qui n’est pas dû, qui transcende toute loi de justice. Le don par sa nature surpasse le mérite, sa règle est la surabondance.

n°37

À l’époque de la mondialisation, l’économie pâtit de modèles de compétition liés à des cultures très différentes les unes des autres.

Les comportements économiques et industriels qui en découlent trouvent généralement un point de rencontre dans le respect de la justice commutative. La vie économique a sans aucun doute besoin du contrat pour réglementer les relations d’échange entre valeurs équivalentes.

Mais elle a tout autant besoin de lois justes et de formes de redistribution guidées par la politique, ainsi que d’œuvres qui soient marquées par l’esprit du don.

L’économie mondialisée semble privilégier la première logique, celle de l’échange contractuel mais, directement ou indirectement, elle montre qu’elle a aussi besoin des deux autres, de la logique politique et de la logique du don sans contrepartie.

(85) Catéchisme de l’Eglise catholique, n°407. cf Jean-Paul II, Lett. enc. Centisimus annus (1er mai 1991), n.25 : loc. sit., 822-824. DC 88 (1991), pp.530-531.

(86) Cf. n. 17 : AAS 99 (2007), 1000. DC 105 (208) pp.24-25.

(87) Cf. ibid. n. 23 : loc. cit., 1004-1005 DC105 (2008) pp. 24-25

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