Billet spirituel - Novembre 2022

Jeudi 17 novembre 2022

L’espérance contagieuse

L’espérance se nourrit de ce que Dieu n’est pas un Dieu lointain, mais qu’Il est là, présent dans la vie de tout homme, selon sa promesse : « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Jn 28, 20). L’espérance a deux effets majeurs. Le premier est qu’elle met toute la vie humaine en perspective du salut, et par là de la vie éternelle, et qu’elle transforme ainsi le regard humain, qui devient un regard eschatologique. Ce dernier donne de voir jusqu’à la fin ultime de la vie de l’homme, jusqu’à la vie éternelle. Il met tout en perspective, fait apparaître chaque chose dans sa vraie nature et dans sa vraie valeur et met de l’ordre dans la vie de l’homme en lui montrant ce qui est essentiel en vue de la vie éternelle et ce qui ne l’est pas, ou même ce qui en est un obstacle. Le deuxième effet majeur de l’espérance consiste dans le fait qu’elle opère sans cesse un rajeunissement et un renouvellement. En effet, chaque fois que l’homme est dans l’espérance, donc qu’il met sa vie dans la perspective de l’éternité, il est jeune, car il voit que sa vie ici-bas est très courte par rapport à l’éternité. Sa vie sur la terre n’est que le temps où il apprend simplement à aimer pour se préparer à vivre éternellement dans la plénitude de l’amour de Dieu. Même lorsque sa vie touche à sa fin, il reste jeune face à l’éternité qui est devant lui. Saint Paul confirme cela : « Même si notre homme extérieur s’en va en ruine, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (2 Co 4, 16). L’espérance rajeunit l’homme, car elle le conduit vers la nouvelle jeunesse de la vie éternelle et d’ici là elle renouvelle sans cesse ses forces pour aller de l’avant. Le prophète Isaïe mesurait déjà bien l’impact que peut avoir l’espérance : « Ceux qui espèrent en l’Éternel renouvellent leur force. Ils prennent leur vol comme les aigles. Ils courent et ne se lassent pas. Ils marchent et ne se fatiguent pas » (Is 40, 31).

Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme à Dieu. Ce dernier prend une place centrale dans sa vie : il en devient le principe, le but et le contenu. Cela a de nombreuses conséquences : cela guérit du désespoir, rend humble devant Dieu, stimule l’Action de grâces à son égard et fait grandir la magnanimité, à savoir le désir de faire de grandes choses pour Dieu. Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme à lui-même. Il comprend désormais beaucoup mieux qu’il peut toujours grandir, évoluer, changer. Ainsi il ne se décourage plus. L’espérance se traduit en lui par une force renouvelée, une patience inlassable et une persévérance à toute épreuve. Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme aux autres. En effet, il pose désormais sur l’autre le même regard qu’il porte sur lui-même. L’autre peut aussi grandir, évoluer, changer. Ce regard de bienveillance et de bonté le pousse à s’engager avec l’autre dans la confiance et la fidélité par la parole et par les actes. Cette attitude a en plus un impact positif sur l’autre, car ce regard d’espérance peut transformer l’autre dans le regard qu’il porte sur lui-même. Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme à la vie. L’espérance purifie des poisons que sont le fatalisme, le déterminisme et surtout l’à-quoi-bonisme. Ce dernier poison se répand comme une traînée de poudre et insinue de manière perfide le doute et le découragement : à quoi bon s’engager ? à quoi bon, cela ne changera rien ! L’espérance non seulement purifie de ces poisons, mais en plus elle stimule le goût de l’initiative, de l’innovation et de l’engagement. Dès lors, la vie triomphe dans ce qu’elle est capable de produire de nouveau. Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme à la mort. L’espérance surmonte la peur de la mort, car elle donne de la voir comme le passage nécessaire vers la vie éternelle en laquelle se trouve la plénitude de l’amour et du bonheur. Par l’espérance, l’homme est déjà connecté à la vie éternelle. Il en vit déjà. L’espérance lui donne de croire en l’immortalité de son âme et à la résurrection de son corps. L’homme, éclairé par son espérance, est habité à la fois par le désir du ciel et en même temps par la volonté enthousiaste de vivre pleinement sa vie sur la terre. Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme au péché. Il n’est plus écrasé par le mal, car l’espérance lui donne de voir le salut comme étant déjà vainqueur du péché. Le salut aura le dernier mot. L’homme vit alors dans une grande confiance en la miséricorde divine pour lui et pour tous et il ne se laisse jamais arrêter par le mal ni par le péché, ni chez lui ni chez les autres. Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme au temps. Il peut désormais sortir des pièges de l’immédiateté et envisager paisiblement le long terme. Le temps n’est plus une course effrénée, laissant toujours un sentiment d’insatisfaction et générant des frustrations, mais une occasion de donner le maximum de qualité et d’amour à chaque instant. Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme au travail. Ce dernier ne se réduit plus à un simple gagne-pain, mais il devient une authentique composante de sa vie et de sa mission d’homme. Le travail devient une vocation, par lequel il contribue à garder et à cultiver le jardin qui lui a été confié, selon l’image du Livre de la Genèse. Le travail a donc un sens et une valeur et l’espérance donne de les trouver. Ainsi l’homme peut prendre sa place dans la société. Par son travail, il peut se dépasser en vue du bien commun. Parce qu’il en voit le sens et la valeur, il n’est arrêté ni par le labeur ni par les obstacles. Le regard eschatologique transforme radicalement le rapport de l’homme aux biens matériels. Il peut sortir de la jouissance matérielle et construire un rapport aux biens matériels qui soit plus sain, plus détaché, libéré de l’emprise de l’avidité. L’espérance lui permet de grandir dans la tempérance et la sobriété, dans un authentique esprit de pauvreté et de détachement, mais aussi de solidarité et de partage.

L’espérance a une réelle puissance de transformation du cœur de l’homme, en modifiant profondément son rapport à tout ce qui l’entoure. L’espérance rend tout changement possible. N’est-ce pas ce dont le monde a le plus besoin, lui qui est confronté à tant de crises et qui ne sait pas où trouver la force pour procéder aux changements que ces crises nécessitent ? Ceux qui sont habités par l’espérance et qui en vivent ne sont-ils pas les premiers porteurs des transformations radicales attendues ? L’urgence n’est-elle donc pas, pour répondre aux crises profondes du moment, de commencer par espérer en toutes circonstances ? Ne s’agit-il pas de se faire les témoins enthousiastes de l’espérance et de la faire ainsi surabonder au point de la rendre contagieuse ?

Don Pascal-André Dumont
Communauté Saint-Martin

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