Nous disons souvent que les Apôtres sont les témoins de la résurrection de Jésus. Pourtant, personne n’était présent pour assister au moment de la résurrection. Ce dont les apôtres ont fait l’expérience, c’est la rencontre de Jésus ressuscité. Cette expérience leur a permis d’interpréter le tombeau vide comme signe de la résurrection.
Mais pour nous, qui n’avons pas connu Jésus de son vivant sur la terre, comment faire cette expérience de reconnaissance très particulière et à chaque fois un peu unique, comme ont pu la faire les proches de Jésus ? Alors même qu’il n’est pas tout-à-fait reconnaissable, arrive pour chacun d’eux le moment d’une évidence où cela ne peut être que Lui : Rabbouni ! dit Marie-Madeleine (Jn 20,16) . Notre cœur n’était-il pas tout brûlant ? disent les disciples d’Emmaüs (Lc 24,32). C’est le Seigneur ! dit Jean (Jn 21,7). Mon Seigneur et mon Dieu ! dit Thomas (Jn 20,28) …
Pourrons-nous alors faire cette expérience comme Paul ? Lui non plus n’a pas connu Jésus de son vivant sur la terre. Cependant, c’est une expérience tellement terrassante que nous n’osons même pas imaginer en vivre une semblable. Paul entend le Christ lui dire : Je suis Jésus que tu persécutes (Ac 9,5). Et cela le conduit finalement à vivre du Ressuscité : ce n’est plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi (Ga 2,20). C’est fort impressionnant, mais nous sentons que Paul a quelques longueurs d’avance sur nous !
Pourtant il y a quelque chose que nous pouvons partager avec Paul, et qui est vraiment une expérience de résurrection : c’est la révélation de l’amour d’agapè, la sortie de la violence persécutrice, et l’entrée dans le désir du salut de tous, juifs et païens, hommes et femmes, maîtres et esclaves (cf. Ga 3,29). Le passage d’un faux zèle pour Dieu, d’une vie contre des ennemis, à une vie pour tous. Se faire tout à tous (1 Co 9,22). Vivre de la résurrection de Jésus, c’est de sortir de la tristesse, du cynisme, du ressentiment, de la rancune, de l’amertume, de la rancœur… du regard désabusé sur la vie, pour se laisser habiter par la vie de Jésus dans sa plénitude, dans sa puissance créatrice et recréatrice pour tout homme et pour moi-même, entrer dans la patience de Dieu.
Nous sommes encore agis par la mort quand nous avons besoin d’ennemis, besoin de tuer, en paroles et en actes, de juger, condamner et punir, quand nous fuyons la souffrance de porter les difficultés et les problèmes de notre prochain, tels le prêtre et le lévite devant l’homme tombé aux mains des brigands (cf. Lc 10,30).
Au contraire, nous sommes agis par la vie quand nous sommes prêts à faire amitié avec n’importe quelle personne rencontrée sur notre route, quand nous avons besoin de donner, désir de pardonner, de sauver, quand nous sommes touchés de compassion devant les malheureux, de toutes les misères matérielles et spirituelles, quand nous avons besoin de porter, de partager les fardeaux les uns des autres (Ga 6,2). C’est Jésus livré et ressuscité qui est la source de cette vie-là. Jésus vivant, non seulement contemplé et prié dans nos cœurs, mais Jésus vivant agissant et continué (1) à travers ses disciples devenus en vérité ses amis. C’est en vivant de cet amour que nous pourrons témoigner de la Résurrection.
Frère Jean-Etienne Long, o.p.