Billet spirituel - Avril 2020

Mercredi 13 mai 2020

« Le pain »

Voici que nous sommes privés du pain eucharistique en ces temps de pandémie et de confinement. Et cela au moment où nous allons célébrer la Semaine Sainte et la Résurrection de Notre Seigneur Jésus Christ. Le pain ! Le symbole de la nourriture indispensable à la santé, à la force, à la vie. Le pain que Jésus a choisi, avec le vin, pour instituer, le Jeudi saint, le sacrement de l’Eucharistie afin de demeurer avec nous et de nourrir la vie de notre âme. Le pain, cher à tous les paysans qui cultivent le blé au prix de leur labeur et de leur sueur. Le pain sans levain, le pain azyme, l’hostie destinée à devenir le Corps adorable du Christ. Lorsque Jésus apprit à ses disciples à prier, il leur enseigna le Notre Père : au cœur de cette prière qui commence par la demande de glorification du Père et s’achève par celle des biens indispensables à ses enfants, se trouve la supplication du pauvre, de l’affamé : « donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour ». Le mot grec traduit par ‘de chaque jour’ veut dire, littéralement, sur-substantiel, un pain qui surpasse tout meilleur pain par sa qualité, sa bonté, sa perfection. Jésus veut que nous demandions à notre Père des cieux le Pain par excellence, dont tous les pains confectionnés par l’homme ne sont qu’une pâle figure. Le Pain vivant. Le Pain vivifiant. Jésus Lui-même. Jésus en personne. L’impossibilité présente de communier réellement doit attiser en nos cœurs le désir véhément de ce Pain indispensable à la vie de nos âmes et qui nous rend forts pour le bien et contre le mal.

L’histoire du pain remonte à près de 6000 ans, lorsque la simple cuisson a transformé l’épaisse bouillie de blé ou d’orge, azyme et pauvre en eau, en une galette. En plus de sa valeur nutritive, le pain pouvait dès lors se conserver et être facilement transporté. Le pain, tel qu’il était confectionné à l’époque de Jésus, ne ressemblait pas à notre pain : il n’avait ni croûte, ni mie. Ce n’était qu’une peau un peu épaisse, qu’on faisait tous les jours et qui se déchirait. Chaud et gonflé, il ressemblait à la pierre plate sur laquelle la maîtresse de maison le faisait cuire dans le foyer domestique : elle le retournait sur ses deux faces pour que la cuisson soit complète. D’où le fait que le pain en cours de cuisson était rapproché de la pierre sur laquelle il chauffait, mais avec laquelle on ne pouvait le confondre, car la vie que permet l’un s’oppose à l’inutilité apparente de l’autre : Jésus n’a-t-il pas dit « Quel est d’entre vous l’homme auquel son fils demandera du pain et qui lui remettra une pierre ? » Mais avant la cuisson, pour obtenir la farine, la femme avait dû moudre les grains de blé ou d’orge dans un de ces moulins en basalte qui ont été retrouvés dans les fouilles de Capharnaüm, en forme de double entonnoir de pierre : on versait le grain dans l’entonnoir supérieur et l’on tournait. Puis il avait fallu tamiser la farine, la pétrir à l’eau et y ajouter, sauf durant la semaine des azymes, le levain qui permettait au pain de gonfler en cuisant.

Jésus, la veille de sa passion, prit du pain dans ses mains saintes et adorables de Créateur « ses mains fines et laborieuses d’artisan, ses mains sans tache et immortelles, ses mains qui ont guéri tant de lépreux, touché tant de malades, caressé tant d’enfants, béni tant de pauvres ». Il prit, non pas du grain et une grappe, « pas de la matière brute, mais travaillée, mais préparée, mais passée déjà par mille mains d’hommes et de femmes. De leurs mains, il reçoit ce soir, ces fruits si beaux de leur histoire. Fruits conjugués du labeur de Dieu et de l’homme, de l’alliance de la terre et du travail, de la pluie et de la sueur du front, du soleil et de l’ardeur à l’ouvrage ». Le blé et la vigne « attendaient cet instant où ils se retrouveraient dans la propre main de Dieu. Pour entendre de ses lèvres des paroles qui jamais, jamais dans l’histoire du monde, n’ont retenti sur d’aussi pauvres choses » (1) : Ceci est mon Corps. Donnez-nous aujourd’hui notre pain sur-substantiel : sous l’espèce du pain, c’est la Personne divine du Fils avec l’humanité qu’il a assumée dans le sein virginal de Marie qui est donnée pour nourriture. La nourriture du baptisé, c’est Dieu même, Dieu fait homme, vivant et vivifiant : « Notre âme est si précieuse aux yeux de Dieu que, dans sa sagesse, il n’a point trouvé de nourriture qui fût digne d’elle que son Corps adorable dont il veut qu’elle fasse son pain de chaque jour » disait le Curé d’Ars. Du fait de la transsubstantiation, cause de la présence réelle, le Christ est tout entier présent sous les apparences sensibles du pain et du vin : corps et sang, âme, divinité, personne divine du Fils uni au Père et à l’Esprit Saint. S’il se rend ainsi présent sous les apparences d’une nourriture, c’est parce qu’il veut nourrir la vie surnaturelle de l’homme.

Mon Dieu, vos enfants ont faim de votre Pain, en ces semaines de confinement où il leur est impossible de Vous recevoir dans l’Hostie. « Mon désir terrestre a été crucifié, et il n’y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais en moi c’est une eau vive qui murmure et qui dit au dedans de moi : ‘Viens vers le Père’. Je ne me plais plus à une nourriture de corruption ni aux plaisirs de cette vie ; c’est le pain de Dieu que je veux qui est la chair de Jésus-Christ, de la race de David, et pour boisson je veux son sang, qui est l’amour incorruptible » écrivait St Ignace d’Antioche. « Seigneur Jésus, je crois fermement que Vous êtes présent dans le Saint Sacrement de l’Eucharistie. Je Vous aime plus que tout et je Vous désire de toute mon âme. Je voudrais Vous recevoir aujourd’hui avec tout l’amour de la Vierge Marie, avec la joie et la ferveur des saints. Puisque je suis empêché de Vous recevoir sacramentellement, venez au moins spirituellement visiter mon âme. Pitié pour moi, mon Dieu, pitié pour moi ! En Vous je cherche refuge, un refuge à l’ombre de vos ailes, aussi longtemps que dure le malheur ».

Père Victor Mac Auliffe, osv.

(1) Père Daniel-Ange La nuit dont l’amour demeure, p. 185-186.

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