La vie paysanne est une merveilleuse école des vertus chrétiennes. On les trouve comme résumées dans le « Credo du Paysan » dont les plus anciens se souviennent. Cette prière – mise en musique - fut composée en 1890 par un poète lyonnais, Stéphane Borel. L’auteur avait déjà chanté la terre et le paysan, le blé et le sapin, les bûcherons et les tonneliers, la charrue et le pressoir, les bœufs et le coq gaulois… Mais à quoi bon plaire et toucher les cœurs par ces évocations rustiques si c’est en idolâtrant la nature et en oubliant Celui qui l’a faite ? En vrai croyant, le poète remonte de la créature au Créateur dont il chante avec ferveur la puissance et la beauté :
« L’immensité, les cieux, les monts, la plaine,
L’astre du jour qui répand sa chaleur,
Les sapins verts dont la montagne est pleine
Sont ton ouvrage, ô divin créateur ! (…)
Je crois en Toi Maître de la nature
Semant partout la vie et la fécondité.
Dieu tout-puissant qui fis la créature
Je crois en ta grandeur, je crois en ta bonté ! »
Par son genre de vie, le paysan se trouve aux « premières loges » pour admirer la création et louer le Créateur, cultivant la vertu de foi en même temps que la « parcelle » de terre qui lui est confiée.
2. De cette foi en Dieu Créateur et Providence découle d’abord la gratitude. En cette saison des moissons et des vendanges, joignons-nous aux agriculteurs et aux viticulteurs pour chanter au Seigneur Dieu notre action de grâce. Tous nous bénéficions de la générosité de Celui qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » (Mt 5,45). Notre reconnaissance s’étend aux cultivateurs et aux éleveurs, serviteurs de la divine Providence. Elle a doté la planète de ressources assez abondantes pour nourrir tous ses habitants en grand nombre, et même les oiseaux des champs par surcroît, moyennant le labeur avisé du paysan : « car l’homme recueille seulement ce qu’il a semé » (Gal 6,8)
« Dans les sillons creusés par la charrue
Quand vient le temps je jette à large main
Le pur froment qui pousse en herbe drue
L’épi bientôt va sortir de ce grain. »
3. Le travail paysan enseigne aussi la patience. Dieu n’a pas voulu que les plantes grandissent « en tirant dessus ». Dans une société technologique où l’on prétend tout obtenir en un « clic », le Seigneur nous rappelle les délais de maturation inscrits dans les gènes du vivant. « Voyez le cultivateur, écrit saint Jacques ; il attend les fruits précieux de la terre avec patience jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. » (Jc 5,7). Patience encore quand surviennent les intempéries du climat qui ne datent pas d’aujourd’hui… Patience rime alors avec pénitence, jointe à l’humble supplication :
« Et si parfois la grêle ou la tempête
Sur ma moisson s’abat comme un fléau
Contre le ciel loin de lever la tête
Le front courbé, j’implore le Très Haut ! »
4. Enfin Notre Seigneur veut nous affermir dans la confiance à l’égard des biens de la terre : si Dieu habille les lys des champs – qui ne filent ni ne tissent - et nourrit les oiseaux du ciel qui ne sèment, ni ne moissonnent, ni n’amassent dans des greniers, combien plus notre Père du ciel veillera-t-il sur les fils d’homme qui valent bien plus que les moineaux ? (cf. Mt 6,26) Il ne laissera pas périr pour toujours ses enfants, à commencer par ses chers paysans. D’autant plus que leur travail est aussi œuvre de charité :
« Mon dur labeur fait sortir de la terre
De quoi nourrir ma femme et mes enfants
Et le dimanche au repas de famille
Lorsque le soir vient tous nous réunir
Le cœur content j’espère en l’avenir (… ) »
Mû par l’espérance chrétienne, le paysan regarde plus loin que l’avenir terrestre immédiat. Il lève les yeux au-delà de l’horizon de ses champs et de ses vignes, de ses forêts et de ses pâturages. C’est « la vie du monde à venir » qu’il attend. Sur terre, il a fourni au prêtre la matière du Sacrifice, le blé et le vin devenus sur l’autel « Pain sacré de la vie éternelle » et « Vin du Royaume éternel ». Bientôt, oubliant les nourritures terrestres et les paysages familiers, il se rassasiera du Visage bien aimé de son doux Seigneur, « Maître de la nature », mais surtout Époux de son âme.