Billet spirituel - Mai 2017

Lundi 22 mai 2017

Regard spirituel sur la création

Si la Bible en général, et les premiers chapitres de la Genèse en particulier, n’ont aucune prétention scientifique quant à la manière dont l’univers a été créé, ils n’en contiennent pas moins d’importants enseignements concernant la manière dont l’humain doit se comporter face au don de Dieu. En gestionnaire avisé et soucieux du bien de tous, ou en prédateur, soucieux de son seul bien-être au détriment de la nature et de ses frères et sœurs en humanité ?

Le regard spirituel sur la création, celui du gestionnaire avisé, conjugue deux verbes : accueillir et donner. Accueillir le don de Dieu, selon ce que dit le livre de la Genèse au sixième jour de la création. Après avoir béni l’humain et lui avoir confié la création Dieu dit : « Je vous donne toute plante qui porte sa semence sur toute la surface de la terre, et tout arbre dont le fuit porte sa semence : telle sera votre nourriture ». (Genèse 1, 29) Et il se vit en quatre temps : le recueillement, la reconnaissance, la réconciliation et la responsabilité.

Le recueillement est ouverture à tout ce qui vit autour de nous et en nous : le parfum des fleurs, le sourire d’un enfant, les découvertes qui améliorent la vie des hommes et des femmes, la solidarité qui pousse certains à partager pour que la vie de leurs frères et sœurs soit moins rude. Il nous ouvre au sens caché des choses, au mystère enraciné au cœur de la création et de toute vie, à la richesse des êtres qui nous entourent. C’est lui qui nous permet de porter un regard d’amour sur toute créature, qui n’est autre que le regard de Dieu luimême au moment de la Création : « Dieu vit que cela était bon ». (Genèse 1, 10))

La reconnaissance nous décentre de nous-mêmes pour nous faire découvrir les splendeurs cachées au cœur de la création et de toute personne humaine, fut-elle abîmée par la vie, la maladie, la vieillesse. Elle nous fait sortir des limites étriquées de nos objectifs, de nos calculs, de nos individualismes, pour reconnaître que tout est don. Dans la Bible, elle se traduit par la bénédiction, et par l’action de grâce, qui n’est autre que la base de la politesse enseignée dès le plus jeune âge : le fait de dire merci. Ce que l’apôtre Paul demande aux chrétiens de la ville de Colosse : « Vivez dans l’action de grâce. […] par des psaumes, des hymnes et de libres louanges, chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance. » (Epitre aux Colossiens 3, 15.16).

La réconciliation intervient lorsque l’harmonie a été mise à mal par nos fautes individuelles et/ou collectives. Harmonie entre l’humain et Dieu. Harmonie entre les humains. Harmonie entre la nature et l’humain. C’est une mise en route vers l’autre au nom de la fraternité qui nous vient de la foi en un Dieu unique et Père de tous, au nom de la prise de conscience que nous sommes interdépendants les uns des autres, au nom de la volonté d’être des artisans de paix et de faire en sorte que cesse toute forme de violence, tant à l’égard de la terre qu’à l’égard des humains. C’est une attitude du cœur qui se manifeste à travers nos engagements contre tout ce qui peut défigurer la terre et l’humain : la pollution, la surexploitation des ressources de la planète en particulier dans les pays les plus pauvres, la surconsommation indécente des uns lorsque d’autres manquent du strict nécessaire, la volonté de domination et d’imposer son mode de vie… En un mot, tout ce qui contribue au déséquilibre et non à l’harmonie.

La responsabilité est un autre nom de la solidarité. Vivre en personne responsable, c’est répondre de manière positive à la question que Dieu pose à Caïn dans le livre de la Genèse : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (4, 9) C’est mettre nos forces, nos ressources, notre créativité au service du bien commun pour que notre planète devienne chaque jour un peu plus un lieu où règnent la paix, la non-violence, l’équité, le respect, la liberté… En un mot, qu’elle devienne un lieu de vie et de beauté, conforme au projet des origines : «  Et Dieu vit que cela était bon ». (Genèse 1, 18)

Recueillement, Reconnaissance, Réconciliation et Responsabilité. Quatre saisons d’une vie accueillie et donnée pour que le Jardin des origines soit un jardin pour aujourd’hui et pour demain. Un lieu où Dieu nous invite à «  découvrir la valeur de chaque chose, à contempler, émerveillés, à reconnaître que nous sommes profondément unis à toutes les créatures sur notre chemin vers Sa lumière infinie. » 1

Laval, le 28 avril 2017

+ Thierry SCHERRER Evêque de Laval

1 Prière du Pape François. Encyclique Laudato si

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